jeudi 8 mai 2008

Prologue

Il faut un début à tout…


Quand j’avais 10 ans, je me nourrissais exclusivement de nounours de guimauve enrobés de chocolat au lait, de fraises tagada, de poudre au citron qui fait piquer les yeux, de sucettes qui changent de couleur, de chiques qui font de grosses bulles qui claquent, de cerises acidulées et de nic-nac.
Ma vie était alors un gigantesque arc-en-ciel sucré, édulcoré et coloré artificiellement sur lequel se promenaient sans complexe Candy, Georgie, mon petit poney (le blanc avec des crins mauves), Clémentine et toute la clique des bisounours. Ca rassurait les parents, les instituteurs et les parents des amies d’école primaire… J’étais une petite fille normale.
Aujourd’hui, le noir domine dans mon alimentation et mon arc-en-ciel a des allures de ruine de guerre. J’ai un arrière-goût de violence, pornographie et intolérance dans la bouche. Je bouffe du conflit israélo-palestinien au matin, une petite dose d’attaques suicides pour goûter ; à midi, j’ai le ventre qui sonne creux avec les enfants sous-alimentés du tiers-monde et les malades du sida ; à 16h, il est temps d’ingurgiter ma dose de Bush et de guerre en Irak ; le soir, j’ai la nausée, je me fais vomir…autant être « in » et moi aussi faire partie du clan très fermé des anorexiques-aspirantes-pseudo-star. Si j’ai un peu de chance, le bachelor me choisira…
J’étais revenue sur l’arc-en-ciel pour la surprise-party de Candy le jour où il m’a appelée pour me quitter. Pendant que sa voix prononçait des mots qu’il avait sans doute du répéter dans sa tête pendant des heures car ce n’est pas simple de quitter quelqu’un, surtout une fille dans mon genre qui ne s’y attend pas et qui va sans doute pleurer beaucoup (alors il prévoit le coup aussi et se dit qu’il pleurera aussi pour faire genre je-suis-pas-un-salaud-moi-aussi-ça-me-fait-de-la-peine-de-te-quitter-peut-être-même-plus-qu’à-toi), je pense à la misère dans le monde. Je me dis qu’au moment où il me quitte 4 enfants meurent de malnutrition, 2 Africains contractent le virus du Sida, un homme se prépare à se faire sauter dans une rue d’Israël, une petite fille se fait violer par son père.
Je voudrais lui dire tout ça mais je pleure et j’emmerde la misère du monde. Ce soir, c’est moi la victime, la malheureuse, la pauvre orpheline, la SDF, la sidéenne, la fille qui a raté son bac, la petite fille tabassée. Il a porté un coup fatal à mon joli arc-en-ciel que j’avais ressorti depuis quelques mois pour l’occasion.
Je voudrais alors lui dire des mots qui claquent, qui blessent, qui font mal, qui tuent mais dès que j’ouvre la bouche, je sanglote et lui crie « comment tu peux me faire ça, à moi ? ».
C’est vrai, à une pauvre conne moche et sans cervelle, une top biche méchante et arrogante, une ambitieuse coincée et hautaine, je comprendrais mais là…moi qui l’aime depuis 9 mois, j’ai du mal à saisir. Je me fais pitié et je me dis qu’il a bien raison de quitter une nunuche comme moi…
Au fait Candy, tu peux aller ranger tes boules à facettes et ta robe en strass mauve… de toutes façons, elle te faisait de grosses fesses et le Prince des collines s’est tapé Clémentine pendant que tu préparais ton punch sans alcool.